Gleeden : Site de rencontres extra-conjugales

gleeden-infidelite-reseaux-sociaux

Un petit billet coup de gueule. Récemment, dans le métro, sur les bus, je vois des publicités concernant un certain site de rencontre. Mais un site assez particulier : Il propose de faire des rencontres extra-conjugales. J’ai été assez marquée, il faut le dire, par cette campagne de publicité. Pas pour ce qu’elle représente en elle-même -après tout chacun fait ce qu’il veut- mais pour ce qu’elle propose ouvertement, aux yeux de tous, en pleine rue. Pourquoi faire une promotion monstre pour un site de rencontres extra-conjugales ? Si Madame X veut tromper son mari celle-ci n’a que deux clics à faire sur internet et la voilà vernie. Seulement, ici Gleeden est clairement dans une ostentation pseudo-féministe assez douteuse.

« Le premier site de rencontres extra-conjugales pensé par des femmes »

Le voilà, le fameux slogan présent sur toutes les affiches de publicité. Excusez-moi ? Pensé « par des femmes » ? Il est bon de préciser que le site a été fondé par deux hommes : Ravy et Teddy Truchot. Ce slogan est donc tout à fait risible et véhicule une idée fausse et aguicheuse pour la gent féminine qui se laisse prendre au piège par cette phrase sentant bon l’indépendance et la liberté. Ce site a donc plus été pensé pour des femmes que « par des femmes », il s’agit ici d’une fausse légitimation.

Teddy Truchot déclare dans le magazine l’Express :

« On a beaucoup parlé de nous, notamment à la télévision. Mettre le doigt sur un tabou, en l’occurrence les relations extra-conjugales, ça choque mais ça fait du bruit. »

Seulement il y a tabou et tabou. S’agit-il encore de définir le tabou, qu’est-ce qu’un tabou ? Quelque chose dont on n’ose pas parler ? Une pratique qui déroge à l’éthique ? À la morale d’une époque donnée ? Il y a de ça. Cependant les aventures extra-conjugales forment un sujet grave, tout simplement par l’implication d’une tiers personne, d’un mari ou d’une femme qui se fait allègrement cocufier par son/sa partenaire sans que celui ou celle-ci ne tienne compte des sentiments de sa moitié. Bien sûr chacun fait ce qu’il veut comme il l’entend mais Gleeden répand sa campagne publicitaire dans les rues de manière exagérée et c’est ce qui me gêne le plus. Une ostentation pareille des relations extra-conjugales entraîne une forte incitation, naturellement quelqu’un aura plus de chances d’être tenté en voyant ces affiches omniprésentes dans les rues que s’il avait fait des recherches sur le net par lui-même. Nous avons à faire à une réelle banalisation de l’infidélité, enrobée par une belle idée (À savoir : La femme doit se libérer des moeurs patriarcaux) mais faisant totalement l’impasse sur la dimension morale de l’affaire, car ce genre d’affiche renvoie premièrement une piètre image du couple à bon nombre de personnes. Ce n’est pas vraiment le site et son concept que je fustige ici, je le répète encore une fois, mais leur campagne publicitaire qui n’a pas lieu d’être si largement répandue.

La part de l’autre par Eric-Emmanuel Schmitt

La part de l’autre est un livre écrit par Eric-Emmanuel Schmitt que j’ai chiné au marché aux puces un été. Je passais tranquillement parmi les brocanteurs à la recherche de livres bon-marchés quand mon oeil a été attiré par un livre dont la couverture arborait une photo d’Hitler. Je m’arrête donc et, ô surprise, un nom familier : Schmitt. Ayant travaillé sur Dom Juan en classe de première j’avais naturellement eu à lire la fameuse réécriture La nuit de Valognes que j’avais fortement apprécié et dont j’ai vu une représentation en avant-première (c’est dire mon amour pour cette réécriture). C’est donc sans hésiter que j’ai rapporté La part de l’autre chez moi, le sourire aux lèvres. Schmitt est un écrivain lyonnais qui affectionne beaucoup les références psychanalytiques et qui n’hésite pas à inclure Freud dans ses écrits, on ressent donc une forte influence de la pensée freudienne dans ses ouvrages et La part de l’autre ne fait pas exception à la règle.

Ce roman publié en 2001 est une biographie romancée de la vie d’Adolphe Hitler et également une uchronie, c’est un roman donc polyphonique s’axant autour de deux voix : Celle du vrai Adolphe Hitler ainsi que celle du fictif, créé par Schmitt. Un changement de voix s’effectue un passage sur deux et le lecteur se retrouve balloté entre deux univers : l’un réel, l’autre en puissance. Le roman décide de débuter sur un évènement qui est censé changer toute la vie du jeune Hitler : Son refus à l’école des Beaux-Arts de Vienne. La biographie de l’Hitler dit « réel » débute donc sur son recalage tandis que dans son univers parallèle Schmitt décide de le faire réussir. À partir de ce point l’auteur décide de changer la vie d’Hitler et par là même la destinée de l’humanité toute entière. Hitler a toujours eu un rapport difficile avec les femmes et bien entendu Schmitt décide de jouer sur ce point en introduisant Freud dans son uchronie qui soigne ainsi le complexe infantile d’Hitler qui lui faisait fuir la gente féminine, faisant alors naître un nouvel homme à l’opposé de l’Hitler « réel ». Mais on retrouve également de la psychanalyse dans la biographie du véritable dictateur car celui-ci a également reçu des soins par un psychanalyste : Le docteur Forster. Schmitt décide alors de faire partir la névrose d’Hitler de ce point. Chose intéressante car d’un passage à l’autre l’auteur peut constater que la psychanalyse peut aussi bien soigner que faire naître les névroses.

Bien sûr la vie romancée et fictive d’Hitler n’est pas certainement ce qu’il serait arrivé si celui-ci si il avait été admis à l’école des Beaux-Arts mais là n’est pas la question et la visée de ce procédé, La part de l’autre développe l’autre être qu’aurait pu être Adolphe Hitler, c’est-à-dire un homme doté de bon sens, un bon père, un mari exemplaire… En somme, un homme qui rentrerait dans les critères de toute société idéale. Hitler a été un homme détestable, cela est indéniable, et (réaction naturelle somme toute) est aujourd’hui perçu comme un monstre et comme une personne à part : « Hitler c’est Hitler. Moi je n’aurais pas pu faire ça. Hitler est inhumain. » Or c’est faux, Hitler est aussi humain que vous et moi. Ces actes ne le sont pas mais lui l’est. La fameuse part de l’autre n’est autre que cette part d’ombre que chaque individu peut renfermer et qui peut selon les évènements et le cours de la vie se développer ou non. La part de l’autre est une chose à accepter et on ne peut se défaire de cela en niant l’humanité de quelqu’un tel qu’Hitler. Car dire : « Il est inhumain ! » c’est dire : « Moi je suis humain, donc je ne peux pas faire une chose pareille. » mais ce n’est qu’une illusion. L’auteur montre alors que tous les hommes sont capables du meilleur comme du pire et que nous faisons tous partie de la même espèce : L’humanité. Nous avons tous cette part de l’autre que nous aurions pu être.

Ce livre m’a d’ailleurs fait pensé à un autre ouvrage intitulé Les Bienveillantes de Jonathan Littell, livre dont j’ai seulement entendu parler mais que je lirais avec plaisir si un jour je devais croiser sa route dans une librairie ou autre. Jonathan Littell a décidé de se mettre dans la peau d’un SS et de rédiger des mémoires fictives sur le massacre des Juifs, c’est un travail d’immersion qui demande du cran et que j’admire beaucoup. Ce livre engendre la même réflexion que La part de l’autre et ce type d’ouvrage est toujours une expérience riche et réflexive, ce sont des livres qui méritent attention. De plus, le travail effectué par Schmitt est tout à fait admirable au niveau des recherches, le livre a été relu par des historiens et n’a donc pas d’incohérences historiques, ce qui en fait un livre très plaisant et très enrichissant à lire. Hitler et les femmes est le sujet le plus largement abordé dans cet ouvrage et ce sous toutes les coutures. Tout y passe : Hitler et la jeune Mimi, Hitler et sa nièce Geli et finalement Hitler et sa tardive femme Eva Braun… Et bien sûr il y a les projets et la mégalomanie délirante du Hitler « réel », son amour pour les travaux de Speer, son architecte, pour les opéras de Wagner, pour les petits Goebbels, pour sa chienne Blondi… On ressort de cette lecture non seulement grandi mais également plus cultivé sur la vie du dictateur. L’apparition d’intellectuels, de personnes telles que Freud est aussi très plaisant à lire. La part de l’autre a une visée éthique et engendre chez le lecteur une remise en question plus que nécessaire et, à mon humble avis, bénéfique. La part de l’autre présente donc un point de vue résolument contre-déterministe, montrant que tout être est perpétuellement en devenir selon ses actions, ses expériences. Schmitt fait donc ressentir un certain existentialisme sartrien par son double récit, l’Homme se définit par ses actions : L’existence précède l’essence. La part de l’autre m’a également fait repenser à une expérience personnelle, nombre d’étudiants doivent connaître cette nouvelle intitulée Pauvre petit garçon ! de Dino Buzzati que les enseignants font généralement lire car c’est un excellent exemple de chute littéraire. J’ai dû lire cette nouvelle en classe de 5ème/4ème, l’histoire était celle d’un enfant brimé, rejeté et moqué, je peux encore me rappeler des airs émus qui ont traversé le visages de mes camarades et des protestations murmurées par les lecteurs : « Oh, oh le pauvre... » Puis la chute vient : « Au revoir Madame Hitler !« .  Personnellement mes sentiments vis-à-vis du petit garçon en question n’ont pas changés, je le plaignais toujours autant mais tout à coup, dans la classe, les protestations se sont fait entendre : « Ah mais c’était Hitler ? Ah bah, bien fait ! » Réaction totalement aberrante car cette nouvelle montre que le jeune Hitler était un enfant comme les autres, sinon moins méchant, et qu’avant d’être une personne abominable il était aussi candide que n’importe quel enfant au berceau. Le but de ces récits est de montrer qu’on ne naît pas monstre mais qu’on le devient par le biais de personnes mal-attentionnés, froides et méchantes. Chose qu’on ne répétera jamais assez.

Le journal qu’a tenu Schmitt durant la rédaction de son roman est également très enrichissant et toute sa démarche y est expliqué. Malgré les nombreuses oppositions à son projet d’humanisation d’Hitler Schmitt a rédigé La part de l’autre et cela l’a même conforté dans son projet, il y a un réel travail d’immersion de la part de l’écrivain qui en a même fini par ressentir des douleurs psychosomatiques tant il s’immergeait dans la peau du dictateur (qui a la fin de ses jours était dans un état de décrépitude total), l’auteur développe également dans son journal toutes les réflexions qu’il mène par rapport à cet autre qu’aurait pu être Hitler. Les citations de son journal sont pertinentes et je clorai cet article sur celles-ci :

« Reduire Hitler à sa scélératesse, c’est réduire un homme à l’une de ses dimensions. C’est lui faire le procès qu’il fit lui-même aux Juifs. »
La Part de l’autre, Éric-Emmanuel Schmitt, éd. Albin Michel, 2001, p. 500
« Tant qu’on ne reconnaîtra pas que le salaud et le criminel sont au fond de nous, on vivra dans un mensonge pieux. »
La Part de l’autre, Éric-Emmanuel Schmitt, éd. Albin Michel, 2001, p. 502
« À un mal, trouver une cause unique, ce n’est pas réfléchir, c’est caricaturer, réduire, tomber dans l’accusation plus que dans l’explication. »
La Part de l’autre, Eric-Emmanuel Schmitt, éd. Albin Michel, 2001, p. 502

La logique du « friendzoning »

Qui n’a pas entendu parler de ce terme ? « Friendzoned« , « frendzoning » ? Qu’est-ce que c’est ? C’est simplement quand une personne déclare son amour à une autre et que celle-ci réponds:

« Désolé, je préfère qu’on reste amis.« 

Généralement cette phrase est attribuée au sexe féminin. Et mon dieu que ça doit blesser la personne éconduite car il suffit de taper « friendzoning » ou « friendzone » sur Google pour voir que ce terme est devenu un meme et qu’il montre le « friendzoning » comme étant un peu un « foutage de gueule » ou comme étant une espèce de fatalité où on se morfond peu à peu. J’ai toujours trouvé ce concept de « friendzoning » complètement stupide. Déjà ça dénote un certain mépris de la part de la personne qui se fait gentiment éconduire et elle apparaît comme étant complètement butée. Ça y’est X personne ne veut pas de lui ou elle alors c’est bon il faut s’acharner sur la personne qui nous a repoussé. C’est énervant car souvent ce schéma se retrouve dans les amitiés dites « mixtes »: Si une personne se trouve être amicale avec une personne du sexe opposé alors ça y’est ce n’est pas pour une simple amitié. Oui mais non, c’est complètement stupide cette façon de penser et ça ne mène à rien. Des fois quand je lis des choses sur le « friendzoning » j’ai l’impression qu’on peux pas être gentil avec une personne du sexe opposé parce que sinon celle-ci va se faire des idées. C’est quoi ce raisonnement primitif ? Si tu veux être ami(e) avec une personne du sexe opposé tu fais comment alors, tu le fais pas ?

Rien que le nom, « friendzone », c’est comme si on te mettait dans une boîte avec une étiquette « friend » sur le front. Comme si il y avait une catégorisation de la personne, que tout était fermé et bon pour la casse. Les gens sont juste frustrés de pas avoir réussi à se caser avec telle ou telle personne et ça blesse l’ego, alors comme exutoire on cherche à rejeter la faute sur l’autre personne.

  • « C’est lui/elle qui a tort et pas moi. »
  • « Elle/Il a dit que j’étais gentil(le), que j’étais parfait(e) mais elle/il veut pas de moi, c’est elle/lui le problème.« 

(Oui je mets les deux sexes avant qu’on me crie que je suis une grande féministe parce que c’est pas le sexe que je condamne ici mais c’est toute la connotation du terme « friendzoned ». Même si on remarquera que dans 99% des cas c’est la fille qui est en tord.) Tout de suite c’est l’autre qui débloque. Et c’est pas non plus parce qu’on se fait rejeter que tout de suite il faut couper tout contact avec l’autre.

Après je sais bien que c’est souvent utilisé à des fins humoristique, mais ça je m’en fous un peu à la limite, seulement ça véhicule une certaine image de la situation et après les gens qui se retrouve « friendzoned » le prennent mal parce que voilà, il éprouve une certaine « réduction », réduction par ailleurs inexistante, comme si ils retournaient au bas de l’échelle. Être « friendzoned » ça entache la fierté selon ces meme, un peu comme si on était bien pigeonné.

Puis vous voulez que la personne qui rejette les avances de l’autre fasse quoi ? Elle a le choix ? Si elle aime l’autre tant mieux, mais si elle ne l’aime pas ? Alors quoi ? On reste plus ami, du coup ? C’est quand même dommage après tout le temps que deux personnes peuvent passer ensemble, surtout si on s’entend bien avec cette personne. Alors oui, du coup on choisit l’amitié, parce que c’est ce qu’on a toujours ressenti dans la relation qu’on entretenait. Après les gens « friendzoned » se plaignent que la personne a été « gentille » avec eux. C’est sûr que si on traitait l’autre comme un déchet il ne serait pas vraiment considéré comme un ami. Parfois on dirait que les personnes « friendzoned » voient ce rejet comme une perversion, comme si la personne désirée vous remplissait d’illusions pour vous briser en petits morceaux à la fin. C’est vrai, ça existe mais de là à généraliser je trouve ça délirant. Je vois certaines personnes croire qu’ils sont carrément instrumentalisés par la personne qu’ils aiment, comme si le gars ou la fille profitait de la situation et je trouve ça aberrant parce que le terme « friendzoning » en vient à recouvrir une réalité casuelle qui est bien loin de ce que la majorité des gens pensent quand ils repoussent doucement des avances. Couper les ponts n’est pas une solution et quand on veut garder contact il me semble que le premier choix qui vient c’est l’amitié, non ? Ou les gens préfèrent garder contact dans une tension absolument insupportable, vous en connaissez beaucoup qui font ça ? Et beaucoup semblent oublier que l’amitié n’est parfois qu’une étape intermédiaire à une relation plus sérieuse et avancée, alors où est le problème ?

Je trouve que « friendzoned » est un terme qui témoigne d’une grande immaturité et fermeture d’esprit. Ce genre de chose m’est déjà arrivé, j’ai gentiment repoussé puis on m’a carrément foutu le mot « friendzone » noir sur blanc. Finalement le gars est parti. Et c’est dommage d’ailleurs parce que quand on est dans la joie de s’être fait de nouveaux amis et qu’au final ça débouche sur une tragédie ça sonne un peu. Donc que les gens réfléchissent avant d’utiliser ce terme par effet de mode ou ne serait-ce que pour tenter de justifier ce rejet en accusant l’autre personne d’avoir été soit disant trop « gentille », c’est pas comme si se faire repousser était une honte ou quoique ce soit.

Le privé et le droit : La combinaison fatale.

Voilà un mois que je suis dans un institut privé dont je ne citerais pas le nom ici, en faculté de droit. A priori le système privé est à louer et détient tout les bénéfices : Un encadrement, de beaux locaux, des résultats satisfaisants…  Des attributs que les parents payent au prix fort. De l’extérieur, on en a cette rapide idée, un échange équivalent, peut-on dire. Or, voilà, à l’intérieur du système j’ai vu et j’ai compris. Autre que l’argent payé, il y a un autre prix qui brise cet équilibre. Et ce prix si fortement oublié c’est l’angoisse de l’élève. J’entends d’ici les détracteurs : “Oui, mais, cet angoisse est nécessaire pour que l’élève travaille et ait de bons résultats, à la fin il y aura des résultats satisfaisants, et il n’y a que ça qui compte dans notre histoire.

Seulement, les résultats ne priment pas sur l’humain, l’angoisse est terrible et déstabilisante, elle paralyse et rend malade. Elle pousse à bout, dégrade le corps et l’esprit. Ce système pour lequel on paie tant est déshumanisant et aliénant. C’est un système anti-pédagogique qui joue sur la peur de l’étudiant en lui donnant plus de devoirs et qui donne plus de droits à son professeur. Le professeur, cette bête noire qui sanctionne tout écart et qui libère l’angoisse et les peurs. Ce rôle est compréhensible au collège/lycée, où il a pour rôle absolu de veiller aux progrès de l’élève, un despotisme justifié. Mais, une fois plongé tête la première dans les études supérieures, l’indépendance et l’auto-gérance sont de mise. Au privé on paie donc pour un certain encadrement, nous sommes d’accord. Mais celui-ci ne doit pas consister en une perpétuelle vérification absolument terrifiante qui pousse à faire travailler les élèves non pas par plaisir mais par stress. J’ai personnellement eu une crise d’angoisse en CM, quelques semaines plus tard, une fille éclata également en sanglot en groupe de TD et sa voisine ne put que dire : “Elle fait une crise d’angoisse.

En entrant dans la sphère du privé on découvre une dure réalité : La valorisation du succès scolaire au profit du bien-être de l’élève. Je ne dis pas qu’on doit se livrer à un laxisme extrême, loin de là, mais qu’il faut reconsidérer le système du privé et les méthodes d’enseignement. Trop de travail tue le travail, à quoi bon donner des quantités titanesques de boulot? Ce n’est pas en emmagasinant pléthore de connaissances qu’elles seront acquises, nous ne sommes pas des machines, mais des humains. Il faut le temps de comprendre, tout en s’adaptant au rythme effréné, le privé n’arrange cela en rien en ajoutant plus d’exercices, de textes et je ne sais quoi d’autre. J’ai l’impression de remonter à l’époque médiévale et de recevoir un enseignement sophiste, apprendre à tout prix, le plus possible, puis faire des exercices à tout allure sans même prendre le temps de comprendre et d’analyser ses erreurs.

Et comment oublier… l’humiliation. Terrible moyen d’apprentissage. Cela dépend du professeur mais une fois à la faculté le système privé est propice à cette méthode.

Nous sommes un petit effectif ? Tant mieux ! Nous allons pouvoir interroger et réprimander un élève devant tous ! Ça lui apprendra à ne pas savoir.

C’est triste mais c’est exactement ce qui se passe à ma faculté, on prend deux chaises qu’on place à l’endroit le plus exposé de la salle, on désigne deux élèves. Ils s’assoient, l’oeil inquiet, les mains moites, sous une épée de Damoclès. Puis les questions tombent, le professeur sourit devant l’ignorance et rétorque le plus simplement du monde :

Allons ! C’est une question facile ! Voyons ! Vous ne savez pas ?

Facile pour celui qui sait. Oui. Monsieur est agrégé, tout lui semble facile, c’est son domaine et c’est gonflé d’orgueil qu’il se permet de pointer une facilité inexistante pour son jeune élève. Comment peut-on penser à comparer son savoir de maître au savoir de son élève ? C’est tout simplement un manque de compréhension de la part du professeur qui use à tort et à travers son pouvoir. L’élève avance ici à cause de l’angoisse d’être humilié. Ce matin encore un élève a eu le malheur de murmurer que les 15 démocraties populaires de l’URSS appartenaient à l’Union Européenne, le professeur s’est arrêté un quart d’heure sur son cas, le pointant du doigt, l’écrasant de tout son savoir pour lui montrer à quel point il avait été crédule. Avec des hyperboles absolument affreuses pour lui montrer que c’était un moins que rien, qu’il avait raté sa vie :

Tout le monde sait ça, allons, ne dites pas de bêtises, quelle horreur! Non, non, non… NON !

Silence. Puis il est revenu à la charge :

Comment avez vous obtenu votre bac ?

Déshonneur devant 150 personnes, chuchotements, rires à peine dissimulés pour certains… Et l’élève, planté là,  penaud. Un simple “Non, voyons !” aurait amplement suffit, mais là c’était de l’acharnement, le professeur était scandalisé, il réagissait un peu trop violemment. Il parlait avec tant de véhémence qu’à la fin de sa tirade il avait lâché un petit :

Non, mais, je vous dis tout ça enfin, voilà. C’est quelque chose à connaître, quoi…

Cet incident m’a réveillée, moi qui était à moitié assoupie sur mon cahier. C’est déjà très bien de fournir une participation active en amphithéâtre pas besoin de rabaisser autrui quand celui-ci dit une connerie. On s’en contrefout, on passe outre et voilà, c’est pas grave, on est tous là pour apprendre. Ça peut prêter à sourire mais ce n’est pas une raison pour y prendre au sérieux et faire comme si l’élève avait assassiné son voisin.Mais qu’en est t-il du plaisir d’apprendre ?

“Vous étudiez tous le droit pour vous élever, n’est-ce pas ? Le gain, l’argent, être influent dans la société ! Le pouvoir. N’est-ce pas ? Oui, vous ne seriez pas là, sinon.”

Travailler pour le gain, le pouvoir. Je me suis sentie incroyablement anti-nietzschéenne. J’en ai eu honte. Je travaille pour mon plaisir, et pour faire quelque chose qui me plaira, pas pour avoir le plus d’argent possible, non. Voilà comment le droit se présenta à moi. Comment on me le présenta.

Le droit, c’est un formidable instrument! Vous verrez ! On ne vous roulera plus !

Certes, certes, très cher monsieur, je ne me ferai plus avoir, j’aurais de l’argent, c’est bien ça, non ? C’est ce qui est synonyme de bonheur dans notre société, c’est ça ? Hein ?  Très bien. Je travaillerai donc dans le stress et l’angoisse, mais, à la fin je l’atteindrai ce bonheur. On me l’a promis. Avec tant de souffrance il ne peut y avoir que le bonheur en contrepartie, sinon, ça ne serait pas juste. Faire du droit serait une injustice profonde. L’infâme ironie ! Si vous aimez le droit, tant mieux, parfait, même ! Mais pour celui qui fait des études de droit par défaut on ne peut qu’éprouver une ineffable tristesse et le plaindre. Et moi je me plains. J’ai été assez idiote et crédule pour embrasser le droit. J’ai été aussi aveugle que la Justice et la balance ne s’est pas penchée du bon côté.

Vous vous posez des questions métaphysiques ? Pourquoi êtes vous ici ? Pourquoi le droit ? Ce n’est pas grave, vous partirez l’année prochaine !

Dixit un de mes professeurs. Et je ne compte pas laisser une année me filer sous le nez comme ça, une année c’est déjà trop. Et surtout elle serait trop insupportable, à tendance suicidaire. C’est une cage dorée à fuir.

J’ai donc changé de faculté, de bâtiment. Et c’est beaucoup mieux. Rien que le bâtiment est mieux, il est vieux. L’autre faculté n’est qu’une infrastructure géométrique, tellement neuve qu’elle en est stérile, avec des amphithéâtres sans fenêtres. Des amphithéâtres gris et de béton, de grands cônes tristes. Les salles, ce sont presque des chambres funéraires. Les pyramides égyptiennes c’est has been, le top ce sont les cônes universitaires. Maintenant c’est lettres modernes et un mois à rattraper. Mais ça reste tout de même angoissant et déprimant, tout mon entourage me regarde de haut. J’ai un énorme malaise, lettres c’est moins prestigieux que droit il faut croire. Puis dans notre société, c’est le pouvoir et l’argent qui priment après tout. Tristes influences qui ont influés mon entourage et qui lui même m’influent fortement. Tragique, tragique.