Analyse d’Akagi Shigeru (赤木しげる)

Arrêt sur un personnage qui mérite un article et qui réclame toute mon attention : Akagi Shigeru, du manga éponyme Akagi.

À vrai dire, c’est la première fois que je ressens l’ultime besoin de m’arrêter sur un personnage (plus précisément sur un personnage issu du support manga, qui est bien plus souvent un simple support de divertissement qu’une oeuvre à part entière). Cette entreprise d’analyse « psychologique » d’un personnage fictif, ne nous le cachons pas, est vaine. Cet article ne sera alors que conjectures et interprétations du personnage, dans ses paroles, sa vision de la vie et ses manières de faire car même si l’analyse psychologique est impossible, il s’en dégage des clés d’interprétation non négligeables. (Cet article fera donc une petite entorse aux sujets que j’ai l’habitude de traiter.) Comment ne pas être fasciné par Akagi ? Ce jeune homme que l’on accompagne de ses treize ans jusqu’à l’âge adulte et finalement jusqu’à la vieillesse dans Ten.

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Les jeunes femmes de Greuze

J’ai décidé de m’intéresser à Jean-Baptiste Greuze, peintre du XVIIIème siècle, non pas pour ses principales oeuvres comme son Père de famille expliquant la Bible à ses enfants et ses autres tableaux aux scènes moralisatrices que Diderot appréciait tant et qu’il a par ailleurs commenté dans Salon de 1765 (extraits). Aujourd’hui ces thèmes me paraissent si fades et désuets, je ne vais pas m’infliger une analyse de ces thèmes éminemment patriarcaux et cléricaux chez Greuze. C’est un thème bien précis de Greuze qui me fascine et sur lequel je vais me pencher. Il m’interloque assez car c’est un thème spécifique et surprenant: Celui des jeunes filles qui viennent tout juste d’être déflorées. Ce sont tantôt des portraits, tantôt des scènes d’intérieur… L’éclectisme de ses tableaux est assez interpellant, ainsi on a le modèle de la vertu dans certains et des modèles érotiques dans d’autres tel que Le chapeau blanc. Ces toiles de jeunes filles sont gracieusement libertines, parfois remplies de candeur ou de désespoir.

La cruche cassée :

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Le titre donne le ton: La cruche cassée. Ainsi le spectateur a le regard dirigé vers la cruche que la jeune fille tiens par la anse et qu’elle était venue remplir à la fontaine se trouvant derrière elle. Tout en sachant que la jeune fille vient de perdre sa virginité il est alors évident de faire le lien entre cette perte et la cruche cassé qui n’est autre que la matérialisation de cette perte. On entre ici dans un cadre propice car c’est une atmosphère bucolique qui entoure cette jeune femme se tenant à l’orée d’une forêt, des fleurs dans les cheveux et entremêlées à ces vêtements qu’elle retient de ses deux mains. C’est une figure de l’angélique que Greuze dépeint ici par des couleurs claires, le rose, le blanc et le bleu sont présents sur toute sa figure, couleurs à la fois pures et célestes. Elle est naïve, le rose aux joues elle tient un pan de son vêtement placé devant son sexe, insistant sur l’endroit qui fait l’histoire du tableau, ses mains forment ainsi un triangle, forme du pubis. Le trou de la cruche est parfaitement linéaire au sexe de la jeune fille et indique ainsi le parallélisme entre ses deux endroits, on a une comparaison intuitive. La cruche cassée serait alors l’hymen déchirée de la jeune fille. Malgré cela le modèle respire la pureté, sa position est gracieuse et ses yeux sont d’un bleu profond encore enfantin. Ses vêtements sont défaits et laissent entrevoir sa peau laiteuse, sa gorge, son buste et un sein à moitié découvert soulignant l’érotisme du tableau. Ainsi le rose renvoie à la sensualité pure, associé aux joues, aux lèvres et au téton découvert. Ses vêtements sont froissés, un jeu des diagonales est présent mettant un peu plus de désordre dans ses vêtements, son foulard translucide laisse voir sa peau et recouvre son épaule droite, laissant dénudée son autre épaule et indique la direction de son corsage défait. La fontaine en arrière-plan suit l’architecture antique et laisse entrevoir une peinture de style néo-classique avant l’heure. La chevelure de la jeune fille s’inscrit également dans une esthétique grecque, on en revient aux grâces de l’antiquité. Pourtant on peut détecter une certaine lubricité de la part du peintre derrière les figure du lion crachant un jet d’eau (que l’on peut par analogie associé à autre chose que de l’eau) et la tête de bélier de face qui au XVIIIème siècle à un connotation bien particulière. Étant assez calée grâce à mes lectures de Sade, je ne résiste pas à citer un passage de Justine ou les malheurs de la vertu où le fameux bélier est de mise: « Les chairs ramollies se prêtent, le sentier s’entrouvre, le bélier pénètre; (…) » Voilà qui est dit, le bélier est cet animal qui fonce et qui a donné son nom à la machine de guerre servant à enfoncer les portes. Ce tableau, furtivement vu en cours pour observer le style de Greuze, m’a beaucoup marquée et m’a donné envie de me pencher un peu plus sur le cas de ce modèle.

La jeune fille à la colombe : Vierge ou déflorée?

Je vais aussi faire un petit arrêt sur la Jeune fille à la colombe, qui est un très beau tableau aussi:

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Tableau un peu plus ambigu que le précédent car tout respire la pureté. C’est une jeune fille blonde, au yeux clairs et malicieux, les deux couleurs dominante sont le blanc et l’or. Pureté, richesse. Les filles de Greuze malgré le déflorage gardent une figure vierge et innocente. Cette jeune fille tient même un colombe dans ses bras, symbole religieux de pureté, symbole de la vierge. Le haut de son corps est largement découvert par cette robe aux allures grecques, ainsi que ses bras et ses jambes. C’est un érotisme beaucoup plus subtil. A priori, rien ne laisse entrevoir que cette fille n’est plus vierge. Or, le premier détail qui me marque dans ce tableau (et qui m’indique que cette jeune fille n’est plus vierge justement) c’est ce pied de table. Oui, oui. Le pied de table, regardez le bien. Il est placé entre les jambes de la fille à la colombe mais plus encore, c’est une tête de bélier de face qui est représenté sur ce pied. C’est on ne peut plus équivoque pour les raisons exprimées ci-dessus pour la cruche cassée. Mais ce tableau peut tout de même porter à confusion et on ne sait avec exactitude si c’est un portrait de jeune fille vierge ou déflorée. On retrouve donc ici tout ce qui fait la subtilité de ces tableaux de jeunes filles déflorées où Greuze prône le symbole et le non-dit.

Le miroir cassé :

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Un dernier tableau que je décide de rajouter au dernier moment car je l’avais oublié. Le miroir cassé est également une métaphore pour la perte de la virginité. Ici le « conseiller des grâces » perd sa grâce. L’environnement reflète, tel un miroir, l’état d’esprit de la jeune fille. Le désordre, l’embrouillement, l’apitoiement. Le corsage et les cheveux sont défaits, le regard est triste et préoccupé, même le chien semble être méfiant et dans un autre état. Elle se trouve dans sa chambre, près de son lit et montre du dépit vis-à-vis de ce qu’il vient de se passer. Il y a profusion de vanités qui rendent de la chambre austère, un miroir, des bijoux, une bougie éteinte… Elle a les mains placés sur ses jambes et le mouvement de ses jambes laisse penser qu’elle s’est laissée tomber sur sa chaise, trop soucieuse de la perte de sa virginité. On a ici, a contrario des tableaux précédents, une figure moins noble, moins naïve et plus malheureuse comme dans les Oeufs cassés.

Je m’arrête ici pour cette rapide analyse mais vous laisse quelques liens intéressant liés à Greuze:

Essais sur la peinture – Diderot Disponible en entier sur Gallica

L’oiseau mort

Les oeufs cassés (L’oeuf cassé à toujours été le symbole de la perte de la virginité, aussi présent chez Steen Jan dans l’Intérieur d’une auberge.)

Et voilà notre bonhomme pour finir en beauté: Autoportrait de Greuze