Le baron Rouge (Der Rote Baron)

Le Baron Rouge est un film réalisé par quelqu’un qui ne va sûrement pas vous évoquer grand chose, mais il est de mon devoir de poser son nom ici : Nikolai Müllerschön. Il est vrai qu’on entend assez peu parler du cinéma allemand aujourd’hui, ombragé par les grosses productions américaines. (Qui n’ombrage pas que les productions allemandes par ailleurs.)

Ce film fait honneur à un héros allemand de la Première Guerre Mondiale : Manfred Von Richthofen, plus largement connu sous le pseudonyme de Baron Rouge en raison de son triplan Fokker Dr.1 qu’il avait peint d’un rouge criard afin que, amis ou ennemis, celui-ci se fasse repérer.
Le Baron Rouge est donc un film retraçant une partie de la vie du plus célèbre des aviateurs, l’as des as de l’aviation, aussi bien admiré du côté des allemands que celui des français. Personnage de légende, nimbé d’une aura victorieuse, Manfred Von Richthofen a fait l’objet de nombreuses premières pages de journaux, d’un mythe héroïque et est aujourd’hui une figure emblématique de l’aviation. Un homme tant admiré que c’est sans hésitation que le gouvernement allemand utilisera son image à des fins propagandistes.

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Fokker Dr 1

Il se devait donc qu’une production cinématographique lui fut consacrée.
Personnellement, avant ce film, je n’avais jamais entendu parlé d’un certain « Baron » encore moins de couleur « Rouge ». Au nom de ce film je commençais donc à m’imaginer un personnage fabuleusement intriguant: Un baron dont la richesse était incroyable, surnommé « Baron Rouge » car suspecté d’assassiner chacune de ses femmes, bref. Voilà ce que ma bonne crédulité m’indiquait gentiment. (Oui, vous pouvez rire, lecteurs impitoyables.) Or il n’en fut rien. Et c’est donc dans une heureuse surprise que j’ai découvert ce film et surtout cet homme replacé dans une atmosphère épique et pleine de souffle, dans le ciel de 14-18.

Première Guerre Mondiale. Qu’est-ce que cela évoque ?
La boue, les tranchées, l’immobilité. Les soldats confinés dans des cercueils de terre. LeBaron Rouge s’intéresse à un autre aspect de la guerre, celui de l’aviation, des batailles aériennes. Un côté dont on ne parle pas tant que ça dans les bouquins d’Histoire. C’est-à-dire un côté complètement différent que cet affrontement franco-allemand. Détachés de ces affrontement terrestres statiques, les combats aériens étaient beaucoup plus libres. Le film commence avec légèreté, les aviateurs de la Première Guerre Mondiale ne vivent pas vraiment l’horreur de la guerre, ils font ce qu’ils aime le plus: Voler. Et il faut croire que cela leur convient tout à fait. C’est en tout cas ce qui transparaît du film lui-même.

Ce film fait passer beaucoup de « valeurs positives » quitte à s’éloigner du contexte historique. Les aviateurs sont fair-play, le respect et la fraternité sont présents au coeur même des combats. Ainsi dès le début du film les aviateurs allemands rendent hommage à un aviateur du camps adverse, un britannique, en risquant leur vie. C’est ce que montre le film or cela ne reflète pas tant que ça la réalité historique de l’aviation durant la Première Guerre Mondiale. Bien sûr, tout cela est enjolivé, les aviateurs ne vont pas si loin pour montrer une quelconque admiration envers un ennemi, c’est grossir le trait. Le Baron, lui, revêt tout ce qu’il y a de positif en un héros de guerre. C’est un film que j’adore mais d’un point de vue critique, il faut se rendre à l’évidence, il n’est pas si bon. Disons, qu’il n’y a pas un réel respect de l’Histoire. Il y a un sentiment de sincérité dans ce film mais pas de réel authenticité malheureusement.

Quelque chose de vraiment dommage également, c’est que le film soit énormément romancé. Le film se centre sur la présumée romance entre Manfred Von Richthofen et Käte Otersdorf, une infirmière qui avait pris soin de lui lorsqu’il était gravement blessé. On est même ici dans le domaine de la fiction car il n’y a aucun document qui parlerait d’une quelconque relation entre les deux. Il existe juste une photo les représentant et où les deux n’ont aucune proximité physique par ailleurs. Non seulement cette histoire trop romancé est déplaisante mais elle est de plus fictive. Enfin, je dis « déplaisante » mais ici c’est affaire de goût, personnellement je n’apprécie pas ces films un peu trop romancés. Mais quand il n’y a pas de superbe histoire d’amour le film a plus de chance de faire un flop d’après ce qu’une de mes professeurs m’avait dit, alors on peut tout de même percevoir une stratégie commerciale dans l’ajout de cette histoire qui ne présente pas un grand intérêt.

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« Kate… T’es bonne. »

Le réalisateur a même inclut un pilote juif. Avec une étoile de David sur son biplan il est présenté comme étant le grand ami de Richthofen, gros clin d’oeil à une volonté d’amitié judéo-allemande. Puis ajout de pathos, celui-ci meurt et Richthofen en est grandement affecté. (D’ailleurs je vous cache pas que c’est une scène qui m’a beaucoup touchée mais en tant que critique c’est un peu gros, ça fait un peu: « Tac je fais mourir le juif pour vous montrer à quel point ça nous touche nous les allemands. ») Ce film est truffé de petites allusions comme ça, le tout prônant une joyeuse camaraderie entre tous les pilotes du ciel de tous les horizons et de toutes les religions. L’horreur de la guerre transparaît donc vaguement, sauf lors de ces grands bombardements occasionnels quand Richthofen est au sol et que les combats terrestres sont montrés de plus près. Richthofen se place alors contre le gouvernement et les dirigeants devant ces horreurs et l’image de propagande que l’État veut véhiculer. Richthofen s’inscrit dans cette continuité héroïque quelque soit ses choix dans n’importe quel domaine.

On a tout de même cet esprit de compétitivité qui motivait Richthofen à devenir le prochain as des as qui est perceptible dès le début avec cette brève rivalité entre le Baron et Lanoe Hawker, prestigieux pilote de la R.F.C et arborant la Faucheuse sur le fuselage de son avion. Le grand nombre de trophées de guerre présents dans le garage de Richthofen montre son ambition à devenir le prochain as des as et une référence à un autre as allemand est d’ailleurs rapidement faite. On voit donc tout de même ce côté mordant et carnassier du Baron qui n’est pas qu’un enfant de choeur.

C’est donc un film qui met la figure du Baron Rouge en valeur, loyal, ambitieux, romantique, incarnant la réussite, la force… Une réelle figure héroïque. Le film donne plus la parole à la légende et non à l’Histoire. Faire perdurer cette image légendaire paraît être une valeur plus sûre pour le film et sa réussite.

Les combats aériens sont relativement bien faits, ils ont utilisés des vraies armatures d’avions si mes souvenirs sont bons, j’avais vu une partie du making-off il y a assez longtemps. Un certain archétype du pilote est développé : Aimant les cigarettes françaises, les cabarets, personnalisant leur avion, portant une belle écharpe… (Ce qui est assez drôle d’ailleurs c’est que certains pilotes ont une écharpe d’une épaisseur quasi-nulle et ce n’est pas avec ce genre de vêtement que l’on part en plein vol à bord d’un biplan. Ça caille là-haut. Enfin je dis ça… On remarquera surtout que tout le monde est emmitouflé dans une écharpe en laine sauf le grand Richthofen qui lui lutte contre les ouragans et ne peut tomber malade, sûrement parce que sa dulcinée est infirmière. Il peut donc se permettre de voler avec une écharpe aussi fine qu’un foulard.) En bref, une idéalisation des pilotes, leur donnant une allure et un charisme transcendant.

Le film a en tout cas le mérite de bénéficier d’une bande son absolument magnifique et je recommande à tout le monde d’aller écouter quelques musiques parce qu’elles sont, à mon humble avis, remarquables. Bien sûr c’est un film qui montre Richthofen comme étant un pur héros, on a donc bien sûr une bande son qui fait particulièrement bien ressortir cet aspect : On a à la fois l’excitation des combats aériens, l’ambition, l’émerveillement, la fierté et quelques musiques touchantes histoire quand même de provoquer le sentimental, de toucher et de marquer le spectateur un peu plus. (Notamment lors de la mort de l’ami de Richthofen, lorsque celui-ci serre le cadavre contre son corps, la musique donne une réel intensité aux lamentations du pilote.) L’instrument le plus utilisé pour ces musiques émouvantes est le violoncelle, choix que je ne peux qu’approuver car c’est pour moi un des instruments qui fait le plus vibrer l’âme humaine, un instrument langoureux, parfois sourd et dont les vibrations s’émanent dans le corps. Le violoncelle détient une fibre qui permet de toucher facilement, surtout quand celui-ci est joué lentement, on a l’impression que l’instrument pleure. Pour les pistes à violoncelle je recommande: The Red Baron (Sûrement la piste la plus emblématique du film, avec un thème qui revient comme un leitmotiv dans plusieurs des pistes) et Operation Why qui est joué durant la mort du pilote juif et qui est sûrement une de mes favorites. Puis il y a ces pistes qui font tout l’héroïsme d’un combat, toute sa splendeur, le tout dans un mariage tonitruant d’instruments. Mais on a vraiment un sentiment de grandeur et de risque en écoutant ces pistes et c’est très vivifiant, par exemple Airbattle 1 ou Red qui elle se montre quand même un peu plus sage au niveau des percussions. (Mais le moment où est jouée cette piste durant le film crée vraiment un effet de splendeur et reflète bien la fierté de Richthofen devant la couleur criarde de son triplan.) La musique a été composée par deux artistes: Dirk Reichardt et Stefan Hansen. Deux personnes absolument inconnues, en tout cas pour moi. (Puis en regardant leurs productions je me dis qu’elles le sont aussi pour tout le monde, enfin.)

D’un point de vue global ce n’est pas un film exceptionnel et cinématographiquement riche avec un intérêt historique concret. Mais c’est un film qui mérite d’être vu de par les émotions qu’il dégage, il y a une certaine aura. À voir donc mais à ne pas prendre comme l’enseignement d’une réalité historique. Je l’ai personnellement beaucoup aimé et c’est même ce film qui m’a lancée dans la passion de l’aviation et plus particulièrement la passion des biplans/triplans. C’est un film qu’il faut quand même savoir apprécier.

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2 réflexions sur “Le baron Rouge (Der Rote Baron)

  1. Je n’ai pas encore vu ce film, mais vous donnez vraiment l’envie d’aller le voir…J’ai beaucoup de sympathie pour le « Baron », personnage mythique mais sans doute très honorable en tant qu’être humain. Il est représentatif d’une époque où coexistaient des personnages nourris d’esprit aristocratique et des bêtes brutes…Les premiers ne comprenaient pas qu’ils appartenaient au passé.
    Quand les gangsters que furent les nazis se muèrent en bêtes de guerre notre monde bascula dans une horreur dont il n’est pas encore sorti, me semble-t-il.
    Amicalement. Merci de vous être abonnée à mon blog.

    • J’ai vraiment adoré ce film, je vous le recommande vivement ! Il a nourri mon intérêt pour l’aviation dont je suis aujourd’hui assez éprise, c’est tout un univers que je connaissais pas et que j’ai vraiment trouvé exceptionnel. Je pense aussi que Richthofen avait une réel qualité humaine, se sentant concerné par ses troupes, sans les considérer comme de la vulgaire chair à canon. La seconde Guerre Mondiale a en effet donné naissance à des horreurs sans précédent mais l’Homme en a tiré des leçons non négligeables, à mon humble avis. Bien qu’à différents endroits du globe l’horreur subsiste, malheureusement…
      Je vous en prie, tout le plaisir est pour moi !

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